Poésie Libérée
Prix Sainte Victoire
Mademoiselle Isabelle ADLER, de Pont-Audemer dans l’Eure, pour
A mon frère
J’avais dix ans et je le regardais partir ;
Je lui offrais des larmes en guise d’adieu.
Lui, si fier de se sentir un homme
Ignora ces diamants qui inondaient mes yeux.
La folie l’emportait sur la raison,
Même ma mère ne fit pas un geste
Pour retenir celui qui hier encore
Courait à la chasse aux papillons.
Mon frère ! Ta chaise est vide et l’on mange en silence.
Qui coupera ma pomme en étoile ?
Je t’en veux d’avoir déserté la place
Pour servir de folles chimères,
Ils ont déjà pris le père.
Ne savais-tu pas que les loups dévorent les enfants ?
Tu avais promis de me protéger,
Une promesse, c’est sacré !
Il nous faut un parfum d’homme à la maison ;
Ta lèvre coupée et ton front boudeur
Qui me faisait rire chaque matin ;
Alors tu me chipais ma tartine
Et je te poursuivais dans la cuisine
Jusqu’à ce que maman nous rappelle à l’ordre.
Mon frère, quelle idée là de s’en aller mourir
Pour obéir à l’immonde trompeur.
Chaque soir la mère pleure ;
Je veux me souvenir de nos contes de fées
Mais je suis une princesse
Qui ne pourra jamais plus se réveiller.
Prix de Luynes
Monsieur Daniel GLIZE, de Roquevaire dans les Bouches-du-Rhône, pour
Etre grave ou aigu
Tir2e de l’encrier, la plume s’est activée à poser sur papier
Les mots imaginés, écrivant une histoire.
Dans son excitation de presser son allure,
La pointe fit un faux-pas
Et l’encre gicla en petites trainées,
Se plaçant au hasard sur des lettres muettes.
Le E fut étonné de prendre de la voix grâce à ces traits courbés,
Ceux qui furent primés se gargarisèrent en timbres singuliers.
Mais, la cacophonie se mit à apparaître
De leur inclinaison de vivre en opposé
Vers l’avant
Ou
Vers l’arrière
La discorde s’amplifia par leurs tons affirmés
Où un accent parut grave et plus sévère pour l’un
Plus aigu et plus léger pour l’autre
Depuis, ils vivent en opposé,
Bataillant dans les phrases pour prendre le dessus.
Réussissant parfois à se trouver
En paix
En étant côte à côte
Dans une même fête
éêè
Prix Vauvenargues
Monsieur Philippe PAUTHONIER, de Montereau Sur Le Jard, en Seine et Marne, pour
Mon frère
Il repose désormais sous terre.
Pour lui, le glas n’a pas retenti.
C’était un enterrement sous la pluie
Avec un vieux prêtre et son bréviaire.
Je suis allé aux obsèques, ce matin,
D’un homme que je n’avais jamais vu,
D’un étranger, d’un illustre inconnu.
Pourtant, avec mon bouquet de jasmin,
J’étais à ses côtés pour sa mise en terre,
Pour son âme, j’ai égrené quelques prières…
Dimanche, le prêtre dans son homélie
Avait sollicité quelques volontaires
Pour accompagner cette personne sans amis
Jusqu’à sa modeste tombe au cimetière.
Ce matin, devant son cercueil en bois clair,
J’ai cru dire adieu à mon frère…